- Tu fais quoi ?
- Je dors
- J’arrive dans dix minutes, prépares-toi à sortir ! Jazz festival, j’arrive !
Voici le bref échange entre Adelina et Andrew quelques minutes auparavant. La jeune femme avait bien entendu son téléphone sonner mais se contenta d’ignorer le message. Elle pouvait imaginer la réponse d’Andrew : ne viens pas. Mais elle était déterminée, elle venait de sortir de la bibliothèque après près de dix heures de révision. Elle avait besoin de s’aérer l’esprit et le jazz festival tombait à pic. Sans même prendre le temps de rentrer chez elle et se changer, elle partit dans la direction de la maison d’Andrew. Il était chez lui et elle en était persuadée après tout il disait dormir. Adelina n’avait pas besoin de chercher plus loin, son meilleur ami ne lui mentait jamais ou plutôt il lui disait la vérité à 99%. Arrivée au pied de la porte, elle sonna. Personne ne descendit. Elle sonna une deuxième fois, toujours rien. C’était sûr, il ne voulait pas l’ouvrir. Elle décida alors d’utiliser la manière forte. Démonter la porte avec un coup de taekwondo ? Il ne fallait pas trop rêver, elle n’était pas bruce lee. Elle allait tout simplement taper le code de son entrée. La porte se déverrouilla et elle sourit. Il n’avait toujours pas changé le mot de passe. Elle entra, enleva ses chaussures et chaussa les chaussons pour les invités. Elle monta les escaliers et entra dans la chambre d’Andrew. Il était bien dans son lit. Il fit mine de dormir. – Tu dors la lumière allumé maintenant? Elle déposa son lourd sac sur le lit de son ami, puis se dirigea nonchalamment vers la chaise du bureau et s’assit.

Le laisser dormir ? Il en était pas question, se disait Adelina en allant rallumer la lumière qu’il venait d’éteindre. Après tout, il n’était que vingt-et-une heure et de toute manière, il n’allait pas totalement s’endormir en sa présence. Néanmoins, elle avait compris que son ami ne rigolait pas, il était vraiment fatigué. Elle se redirigea vers le bureau puis souleva une feuille parmi tant d’autres et se mit à lire. Elle ne comprit pas grand-chose, c’était sûrement de la comptabilité avec toutes ses chiffres. Elle la reposa soigneusement là où elle l'avait prise car dieu sait à quel point il détestait perdre ses feuilles. Elle posa sa main sur l’ordinateur portable, il était encore chaud. Il venait sûrement de finir de travailler. Elle soupira et se dirigea vers son lit. – Allez ! Allons juste boire un verre au festival ! Il ne répondit pas. Déterminée, elle tira sur son duvet d’un coup sec pour le forcer à se lever. Par contre, elle ne s’attendait pas à le voir nu. Chose qu’il lui avait déjà dit dans le passé mais Adelina avait toujours vu comme une blague. – Jeez Andrew ! Cache-moi ça, tout ça. s’exclama-t-elle en lui relançant son duvet. – Aïe aïe mes yeux… quelle vision d’horreur. dit-elle en plaisantant à moitié. Il était loin d’être moche mais le fait qu’il était son meilleur ami rendait la situation dégoutant. Elle s’assit sur la chaise du bureau et se massa les yeux comme si elle venait de recevoir du jus du citron. – Tu me dois un verre là. J’en ai besoin pour oublier. Elle continua à le persuader.

- Mal gaulé… tu t’entends parler ? répéta-elle en rigolant. C’était tellement rare et inattendu de l’entendre parler de manière si familière limite de l’indécente. En tout cas, elle n’allait pas le contredire car c’était mentir mais elle n’allait pas non plus lui complimenter, il ne fallait pas rêver. Même si elle faisait mine d’être choquée jusqu’au plus profond de son âme, en réalité ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait torse nu. Evidemment, ils avaient déjà été à la piscine ou à la plage ensemble. N’allez pas vous imaginer des histoires. Lorsqu’il lui mentionna qu’elle était assise sur son caleçon, son regard se porta sur la chaise où elle était posée. Elle ferma les yeux et poussa un soupir exaspéré. Elle aussi devait être fatiguée pour ne pas s’être rendue compte plus tôt. Nonchalamment, elle attrapa son caleçon et lui lança de toutes ses forces sur la tête de son ami. – Va-t-habiller ! ordonna-t-elle comme une mère qui criait sur son enfant. Ensuite, Andrew lui complimenta sur sa façon d’être. C’était tellement inhabituel qu’elle le regarda d’un air curieux. Après tout, elle était habillée très simplement et de manière décontractée. Elle venait de passer une journée entière à la bibliothèque et elle ne s’était pas mise sur le trente-et-un pour cette occassion. Evidemment, il ne pouvait s’empêcher de lui rappeler qu’elle était célibataire. C’était un cadeau empoisonné ? – Tu te rends compte que maintenant ? Elle le regarda avec un sourire malicieux. – Et si tu crois que je vais te rejoindre sous la couette après quelques mots doux et parce que je suis célibataire, tu te trompes. Mais merci, je te retourne le compliment. Elle se leva de la chaise et s’approcha de la porte coulissante de son dressing. Elle l’ouvrit comme si elle lui montrait le chemin à suivre, elle perdait presque patience. A chaque fois qu’elle regardait son dressing, elle ne pouvait s’empêcher de le haïr. Comme elle le détestait d’être riche…  

Adelina n’était pas dupe, elle n’allait pas rougir à ses paroles car il en faisait beaucoup trop. L’entendre rajouter une couche lui donnait envie de le tuer. Elle le fusilla du regard, un air qui lui disait de rajouter un mot de plus et il passerait par la fenêtre. D’ailleurs, il était vraiment culoté se disait-elle. Il venait de se rallonger comme un prince sur son lit king size et il lui avait demandé de lui apporter des habits. – Oui mon seigneur ! lui répondit-elle légèrement irritée. Une fois à l’intérieur du dressing, une envie diabolique lui traversa l’esprit. Pourquoi ne pas lui faire essayer plusieurs vêtements ? ou encore réorganiser son dressing de façon à ce qu’il ne retrouve plus ses habitudes ? Non, c’était toutes les deux une mauvaise idée ; une perte de temps. Adelina voulait partir au Jazz et au plus vite. Oubliez le costard cravate, elle sortit une paire de jeans et un simple t-shirt noir. – J’ai l’impression d’être ta mère ! Tu veux aussi que je t’aide à t’habiller ? elle lui demanda en rigolant tout en se dirigeant hors du dressing avec les habits dans ses mains. Soudainement,  Adelina se figea et son regard se dirigea vers une étrange tâche sur le matelas. Un silence puis. – Okay… Tu sais quoi ? Tu vas clairement t’habiller tout seul. Te voir nu comme un ver, ça allait mais ça… ça, c’est vraiment répugnant. Elle lança les vêtements de son meilleur ami sur le lit pour couvrir ce qu’elle venait de voir. – Et si tu pouvais aussi te laver les mains… oh god, jamais j’aurai pensé te dire ça un jour… Je t’attends en bas. Elle ramassa son sac puis sortit de la chambre du jeune homme sans lancer un seul dernier regard. Je vais le tuer pensa-t-elle. Elle descendit des escaliers et s’assit sur les dernières marches attendant qu’il la rejoigne une fois changé. Elle donnait l'air d'être dégoutée, choquée ou encore frustrée mais ce qui était sûre était qu'Adelina voulait toujours sortir ce soir-là et accompagné d’Andrew.

Quelle journée se disait-elle. Elle avait eu envie de se changer les idées après la bibliothèque et on pouvait dire que c’était réussi. Dorénavant, il lui était devenu difficile d’oublier ce qu’elle venait de vivre. A vrai dire, elle se sentait légèrement bête d’avoir réagi de manière excessive. Elle n’avait pas à faire une telle scène… quoiqu’il l’avait quand même bien mérité. Attendant qu’il ne descende, elle ne pouvait s’empêcher d’espérer qu’il n’avait aucune arrière-pensée. Adelina ne l’avait jamais vu autrement qu’un ami et elle n’avait jamais imaginé une telle éventualité. Lorsqu’elle entendit des pas raisonner derrière elle, elle ne se retourna pas. C’était Andrew et il se tenait à côté d’elle maintenant. Sans trop de raison, elle préféra l’ignorer un moment. Il finit par la forcer à le regarder et à l’écouter. Ce qu’il était énervant avec ses airs de chien abattu. Elle lui donna une pichenette sur son front. – Trop prêt. Elle lui dit simplement avant de lâcher un lourd soupir. Il dramatisait vraiment trop, pire qu’une fille pensa-t-elle. Comment pouvait-elle le rayer de sa vie juste pour ce genre d’incident. Elle n’était pas si immature et il était bien trop important. Elle se leva et tout en enfilant sa veste en jeans, elle lui dit. – T’inquiète pas, il me faut bien plus pour que je te déteste. Mais que je ne t’y reprenne plus ! Sinon ton pénis, je te le ferai avaler. Elle lui lança un sourire démoniaque.

Adelina avait pardonné à son meilleur ami mais elle détestait toujours autant cette grande affection et attention qu’il lui accordait. En fin ce n’était pas qu’elle détestait, elle n’aimait juste pas les répercussions de son comportement. Leur amitié les avait toujours attiré des ennuis et complications. Comme au lycée, des rumeurs avaient éclatés comme quoi ils étaient ensembles. Un homme et une femme ne pouvaient-ils pas juste être amis ?! So irritating… - Tu sais si tu continues à me faire de telle déclaration, tu ne vas jamais te trouver une petite amie. Elle rigole. Puis Andrew lui proposa de prendre sa voiture. L’idée ne l’enchantait pas vraiment. Depuis l'accident de ses parents, elle était du genre à éviter de se déplacer en voiture ou taxi. Mais aujourd’hui, elle voulait faire un effort pour lui. Avec tout le mal qu’il s'était donné pour se faire pardonner… - Ca marche ! Laisse-moi juste prendre une petite bière pour la route. Oui, il lui fallait quelque chose pour atténuer son angoisse et c’était parti pour le Jazz Festival !