Les jours passent et se ressemblent toujours autant. Andrea s’ennuie vraiment énormément à Belle Fleur. Elle avait oublié combien la petite pouvait être ennuyante quand on avait connu la grande Londres, et qu’on y avait passé de nombreuses années de sa vie. Mais elle est coincée ici pour un bon moment, avec une famille qui l’avait auparavant rejetée pour ensuite se montrer si fausse avec elle que ça réussit à l’en écœurer. Elle ne leur parle toujours pas, d’ailleurs, malgré le mois qu’elle a passé éveillée. Cependant, elle a fait l’effort d’adresser la parole au psychologue qu’ils lui ont dégoté et elle va même à un groupe de soutien pour les gens qui ont été dans le coma. Elle est un cas à part, quelque part. Elle n’était pas censée se réveiller, et pourtant c’est arrivé. C’est une battante. Tant mieux, au fond. Ce jour là, la brunette ne veut sûrement pas rester enfermer chez elle. Elle choisit de se rendre en ville, histoire de prendre un café et de se balader un peu pour voir des visages qu’elle pourrait se remémorer. Elle va se doucher, profitant de la morsure de l’eau bouillante sur sa peau pour se détendre un peu ; chose rare depuis qu’elle est éveillée vu que la présence constante de sa famille qui est aux petits soins pour elle la rend on ne peut plus nerveuse. Elle sort, serviette autour de son corps mouillée, et sèche ses cheveux avant de les laisser, ondulés comme des vagues, tomber sur ses épaules. Elle va enfiler une chemise blanche en dentelle avec un jean et un blazer noir, enfilant ses converse en guise de chaussures. Elle attrape son sac et claque la porte en partant alors que sa sœur était en train de lui parler. De toute manière, c’est elle la plus grande, elle n’a de comptes à rendre à absolument personne. Et sûrement pas à une sœur qui lui a tourné le dos parce qu’elle n’a pas voulu vivre dans la petite ville qu’est Belle Fleur et elle a préféré épouser un Londonien. Dans tous les cas, elle sort, ses Ray Ban sur le nez pour se protéger du soleil. Elle va au café du coin se commander un café avant de se rendre au parc. Elle voit une silhouette familière et s’approche. Excusez moi mais… Noah ? Andrea demande, pour le moins choquée de voir un visage du passé.

Ces temps-ci, la solitude est indéniablement ta plus grande amie. Tu te sens seul, plus que jamais. Tu ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais c'est indéniable. Tu as arrêté toute activité en rapport avec l'espionnage et maintenant tu te passionnes pour la mécanique et les voitures de courses. Les courses, c'est tout ce qui compte à présent dans ta vie. L'adrénaline que cela procure t'aide à te sentir vivant. Plus que jamais. Et tu en as besoin. Réellement. Seulement aujourd'hui, ce n'est pas de cela dont tu as besoin, c'est du grand air. De la végétation, des arbres et du chant des oiseaux. Cela n'a pas le même effet sur toi que la course mais cela t'aide à te sentir mieux quand même. Tu te sens détendu lorsque tu te rends au parc. C'est pour cela que tout naturellement, tu décides d'aller y faire un tour. En général il y a du monde mais cela ne te dérange pas plus que ça. Tu marches en direction du parc d'un pas rapide et décidé. Ce qui fait que tu y es en moins de cinq minutes. Alors que tu décides à te poser sur un banc, tu sens une présence se rapproche et tu entends une voix que tu ne pensais ne plus jamais entendre. Tu as rêvé pendant des années d'entendre à nouveau cette voix mais tu n'y croyais plus. Andrea. Ta femme. La femme qui a été dans le coma durant... cinq années par ta faute. La femme que tu ne pensais plus mériter. La femme que tu croyais ne plus jamais revoir. Tu te retournes assez vite, de peur qu'elle soit déjà partie. Instinctivement tu touches son bras pour être sûr qu'elle soit réelle. Car trop souvent tu as cru la voir mais ce n'était qu'une hallucination. Tu es en vie. Dis-tu machinalement. Tu n'y crois pas, comment est-ce possible ? Et pourquoi personne n'a pensé à te prévenir ? Sans doute car tu as changé de vie et que tu as décidé de ne dire à personne que tu étais revenu d'Australie. Ou du moins à très peu de personnes. Tu t'approches, hésitant. Peut-être a-t-elle refait sa vie ? Peut-être qu'elle t'en veut. Peut-être qu'elle ne t'aime plus. Toutes ces questions se bousculent dans ta tête et tu ne trouves aucune réponse. Alors tu poses simplement ton regard sur elle attenant qu'Andrea réagisse.

Cette ville est réellement tout ce qu’il y a de plus ennuyeuse. Il n’y a pas l’activité de jour comme de nuit que l’ont peut trouver dans la plupart des grandes métropoles américaines comme anglaise. C’est quelque chose qui manque terriblement à la jeune femme, d’autant plus qu’elle est couvée par l’intégralité de sa famille avec qui elle ne s’entendait pas avant de duper la mort pendant cinq longues années. Même actuellement, au fond, ils doivent se moquer d’elle : depuis qu’elle est partie pour Londres elle n’a pas eu de leur nouvelles. Et là, pourtant, elle se retrouve étouffée par cette ribambelle de genre dont pratiquement aucun n’a son nom de famille, qui sont faux avec elle. Elle n’a qu’une envie : fuir, très loin d’ici. Et ne jamais revenir. Et pourtant, non, il faut qu’elle soit coincée avec ces gens qu’elle n’affectionne pas. En ce lundi, la brune décide de sortir quelque soit l’avis de sa sœur cadette, qui se permet d’ailleurs du lui donner des ordres comme si elle avait cinq années tout au plus. Elle n’aime pas ce manque de respect. Elle se rend au café fréquenté par énormément de monde dans le secteur. Elle connaît Belle Fleur comme sa poche et heureusement, vu les années qu’elle y a passé contre son gré. Elle n’aime pas vraiment être ici, mais elle commande son Latte Macchiato et paie en espèce avec le peur d’argent qu’il lui reste, allant par la suite se balader dans le parc, entre les gens. Elle remarque une silhouette familière. Elle ne comprend pas pourquoi, mais elle est sûre de connaître cette personne.  Quand elle s’approche et voit le visage de l’homme, son cœur a un raté. Un peu plus grand qu’elle, brun, yeux sombres. Elle effleure machinalement son annulaire gauche où se trouve une alliance, dernier vestige en plus de son nom de famille de son mariage survenu à Londres plusieurs années avant. Tu es en vie. Elle le regarde avec un petit sourire malgré elle. Evidemment qu’elle est en vie, sinon elle ne se tiendrait pas devant lui. Elle ne peut pas se retenir, elle a beau être sous le choc, elle s’approche et elle se blottit dans les bras de l’homme, enfouissant son visage dans son torse et respirant son odeur. C’est comme si quelque chose en elle se brisait, et elle fond en larmes, toutes les larmes accumulées ces cinq dernières années.

Elle est en vie et devant toi. Tu as rêvé de ce moment pendant des années. De longues années même. Et maintenant que tu y es, tu ne sais pas quoi faire. Tu ne sais même pas comment réagir. C'est ta femme bordel. Penses-tu, intérieurement. Vous êtes toujours mariés et tu l'aimes comme au premier jour. Elle est si belle. Ses yeux t'ont tellement manqué. Elle t'a tellement manqué. Andréa a été la seule femme dont tu es tombé éperdument amoureux. La seule femme avait qui tu voulais fonder une famille. Mais ton travail a tout gâché. Tu as tout gâché. Lorsqu'elle s'est pris cette balle, tu étais anéantis. Tu ne pensais jamais la revoir. Alors machinalement, lorsqu'elle se blottit dans tes bras, tu la serres fort et respire son doux parfum. C'est bien elle, il n'y a pas de doute. Je suis désolé. Ces trois mots sortent tout naturellement. Tu lui as répété ces trois mots pendant des années lorsque tu venais la voir à l'hôpital mais tu n'as jamais pu lui dire à quel point tu étais désolé de vive voix. Tu prends son visage entre tes mains, plongeant ton regard à l'intérieur du sien. Ce que tu ressens est tellement intense, tellement fort. Cela faisait des années que tu n'avais plus ressenti cela. Cinq ans pour être exact. Andrea je m'en veux tellement si tu savais. Dis-tu en baissant les yeux. Tu te sens honteux et coupable et ce, depuis le jour où ta femme a pris une balle par ta faute. Tu ne te le pardonnera jamais. Jamais. Tu ne sais même pas si tu peux l'embrasser. Tu en rêves mais tu n'oses pas. Peut-être qu'elle t'en veut et elle aurait raison. Peut-être qu'elle ne ressent plus la même chose que toi ? Cinq années c'est long et ses sentiments se sont peut-être évaporés ? Tu hésites et poser un doux baiser sur son front. Tu n'y crois pas. Elle est là.

Andrea n’a plus entendu parler de Noah depuis de longues années maintenant, son coma y ayant très largement aidé puisque la jolie brune y a passé cinq ans. Cinq ans de rêves utopiques parfois, cinq ans à entendre des gens se plaindre à son chevet, des infirmières se taper la discute. Elle se rappelle encore du moment où il lui a dit au revoir, ce fameux moment où les lèvres du beau brun se sont posées sur son front avec trop de douceur. Ce jour là, elle a cessé de se battre, elle a abandonné tout espoir d’un jour le revoir. Et pourtant, Andrea Hawkins est là, face à l’homme qu’elle a aimé durant de nombreuses années. A Belle Fleur, dans sa putain de ville natale qu’elle déteste. Londres lui manque, c’est certain, mais elle ne peut sûrement pas le dire à sa famille qu’elle veut se barrer seule, loin de cette bourgade pourrie : ils lui en voudraient, c’est quelque chose d’assuré. La brunette est très surprise de voir son époux par ici et visiblement, il en est de même pour lui. Il semble ne pas y croire mais elle, elle y croit et elle ne compte pas s’en priver alors elle se met dans ses bras, elle se blottit contre lui et respire son odeur. Elle a presque envie de pleurer tant le moment est magique, c’est dire. Je suis désolé. Désolé ? il est désolé ? mais de quoi ? Andrea ne comprend pas. Elle se laisse faire quand il prend son visage entre les mains et elle le regarde avec ses yeux sombres plein de larmes. Andrea je m'en veux tellement si tu savais. Elle caresse sa joue et frémit quand il colle un baiser sur son front, souriant timidement. Tu as pas à t’en vouloir Noah… Tu n’as rien fait de mal, c’est pas ta faute si j’ai eu un accident. Elle lui affirme avant d’aller coller un baiser au coin de ses lèvres, par timidité. Je pensais que tu avais fui, que je te reverrais jamais, je comprenais pas pourquoi…/ Elle dit en sentant les larmes couler une nouvelle fois.

Tu as du mal à réaliser. Beaucoup de mal. Toi qui pensais ne jamais recroiser son regard, elle est enfin là. Devant toi. Tu as retrouvé ta Andrea, ta femme, ton âme sœur, ta moitié, ton tout. Tu as pas à t’en vouloir Noah… Tu n’as rien fait de mal, c’est pas ta faute si j’ai eu un accident. C'était plus qu'un simple accident. C'était une vengeance à cause du métier que tu faisais à l'époque. Tout est ta faute. Et depuis ce jour, où tu l'as vue s'écrouler dans une ruelle, tu t'en veux. Pas un seul jour ne passe sans que tu ne culpabilises. C'est ta femme, tu aurais dû la protéger. Et tu as échoué. Lamentablement. J'aurais dû te protéger, c'était mon rôle. Si tu savais comme je suis désolé. Tu ne pourrais être plus sincère. Tu as passé presque cinq ans de calvaire intense. Rêvant chaque soir de cette scène et priant que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve. Mais chaque matin, tu te réveillais et la fatalité était toujours plus intense, toujours plus difficile et plus horrible que la veille. Andrea semble tellement compréhensive que tu n'en reviens pas. Je pensais que tu avais fui, que je te reverrais jamais, je comprenais pas pourquoi… Tu vois une larme rouler le long de sa joue et tu l'essuies rapidement. Tu détestes la voir pleurer et ce, depuis toujours. Tu souffres tellement quand tu la vois dans cet état. Tu l'aimes tellement, c'est inimaginable. Jamais tu n'aurais fuis devant elle. Mais tu ne supportais plus de la voir comme ça, c'était trop dur à supporter. Je t'aurais jamais abandonnée. Mais c'était trop dur... J'étais impuissant face à tout ça et je ne le supportais plus. J'pensais ne plus jamais revoir ton doux visage, ton regard qui semble tellement aimant et ce magnifique sourire... Dis-tu en touchant chaque endroit de son visage pour illustrer ces propos. Tu pensais ne plus jamais revoir ta femme, c'est un miracle. Tu l'embrasses alors timidement, posant tes lèvres contre les siennes pour retrouver goût en votre amour, en votre passion.

Se retrouver devant Noah après tout ce temps, c’est juste invraisemblable pour Andrea. Et pourtant, il est là et elle en est ravie, elle est ravie de le voir, elle est ravie de le retrouver après tout ce temps. Il est le seul à pouvoir potentiellement mettre un peu d’action dans la brave petite vie de la demoiselle. Surtout à Belle Fleur, la ville qu’Andrea déteste le plus au monde parce qu’il n’y a pas assez d’action à son goût. Toujours est il que pour les deux amoureux, les retrouvailles sont difficiles, ils ont du mal à se reconnaitre, ça fait tellement longtemps. J'aurais dû te protéger, c'était mon rôle. Si tu savais comme je suis désolé. Elle secoue la tête. Il n’a rien fait de mal, elle ne lui en veut pas, c’était un accident, elle est bien incapable de lui en vouloir alors qu’objectivement il n’a rien fait de mal. C’est le destin, voilà tout. Ce n’est la faute de personne, et elle lâche une larme une fois qu’elle a calmé ses sanglots. Il lui a tellement manqué, elle avait tellement peur sans le voir, en étant loin de lui, ça ne fait aucun doute. Elle frémit en sentant la main de Noah sécher son unique larme. Je t'aurais jamais abandonnée. Mais c'était trop dur... J'étais impuissant face à tout ça et je ne le supportais plus. J'pensais ne plus jamais revoir ton doux visage, ton regard qui semble tellement aimant et ce magnifique sourire... Elle le regarde avec les larmes aux yeux, mais elle ne peut pas pleurer, pas alors qu’il se penche pour l‘embrasser et que les lèvres d’Andrea cèdent au contact de celles de son époux. Pas alors qu’elle pose ses mains sur ses joues pour prolonge le baiser, refusant pratiquement de bouger maintenant qu’elle est contre lui mais se résignant à l’écarte pour l’entraîner au café et lui commander quelque chose. Tu veux quoi ? Demande timidement la jeune femme en serrant la main de son mari, parce qu’elle a peur que ce ne soit qu’un rêve.