Il fait noir comme dans un four. À croire que la nuit a mis sa tête dans le cul du soleil, pour s'assurer que personne ne voie ses pieds. Ettore se débat avec le néant avant de comprendre que c'est sa capuche qui est retombée sur sa tête quand il s'est penché pour vomir. Il arque un sourcil et regarde la petite mare couleur citrouille sur le bord de la chaussée. « Toi, t'es mieux dehors que dedans, nan ? Tu sens l'air frais, l'oxygène ? C'est pas mal mieux que l'acide de mon intestin, tu crois pas ? Allez, à la prochaine, Cendrillon. »

Il relève la tête, cherche Sam et le trouve. « Putain, j'ai cru que t'avais piqué un canasson et que t'étais parti au pôle nord. Ou en Alabama. » Ettore s'arrête, réfléchit, hausse les épaules puis rejoint son ami. Il lui claque amicalement le dos puis se redresse et engloutit le fond de sa bouteille de bière. « La salope, elle me laisse. Comme ma femme » maugrée-t-il avant de plonger les mains dans les poches de sa veste. Et d'en sortir une fiole de vodka, toute rutilante avec des initiales élégamment gravées. J.D. John Dauclert. « Enflure » crache Ettore avant de lancer la fiole de toute ses forces contre une voiture, dont l'alarme se déclenche. « Oups » lâche l'Italien. Il attrape son copain de beuverie par la manche et l'attire plus loin. Soudain, une idée lui apparaît – tellement lumineuse qu'il plisse les yeux et se couvre les yeux. « On va aller dans ma boutique. »

D'un pas décidé, la tête haute et les bras accompagnant sa marche comme un soldat de l'armée de George Washington marchant fièrement au pas de l'oie, il se dirige vers le fleuriste. « Aux Fleurs D'Eau Clair, quel nom de merde. Mégalo de mes deux » dit-il en levant les yeux vers le bandeau qui trône au-dessus de l'entrée de la boutique de feu son père et feu tous les fleuristes de la famille. Il cherche la clef au fond de sa poche, lâche un chapelet de jurons en italien, réessaye, jure de nouveau et sort enfin son sésame. Il force contre la serrure mais rien à faire. « Ch'uis bête, c'est mes clefs de voiture » éclate-t-il de rire, hoquetant comme une femme pompette après un demi-verre de cidre doux. Il récupère sa clef de porte, l'enfonce dans la serrure et tourne le mécanisme. Il pousse la porte, remonte le couloir et entre dans la réserve.

Ça sent bon les fleurs fraîches, celles qu'il a coupées toute la soirée pour les bouquets de demain. Ettore allume la lumière, enlève son blouson et monte rapidement à l'appartement récupérer une bouteille de vodka, histoire de continuer la soirée. Une deuxième idée le frappe en voyant Sam au milieu de toutes ces fleurs. Il ressemble à un vainqueur olympique. « Et si on montait un Fight Club ? » lâche Ettore dans le silence de sa réserve. L'ombre de Taylor Durden plane au-dessus des deux hommes et l'affiche de Brad Pitt, dans la chambre de Celio, approuve.

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Ettore arque un sourcil en voyant le pot cassé gisant à terre. Il reste bloqué sur les éclats de céramique, hésitant entre la colère et le désespoir. Il relève la tête vers Sam. « Pas grave, c'était un cadeau de la fête des pères de mon frère. Pas exactement une relique, si tu vois c'que je veux dire. » Il penche la tête sur le côté. « Nan, même moi je vois pas c'que je veux dire » déclare-t-il en haussant les épaules, avant de tendre la vodka à Sam. « On laisse pas un copain assoiffé ! » clame-t-il en levant le poing en l'air, comme s'il venait de remporter une épreuve olympique. « Faut que ce soit la première règle de notre club. »

« T'façon si t'avais vomi sur le pot de mon frère, j't'aurais remercié parce que j'attendais que Celio le casse sans faire exprès. Mais ce gamin fait trop attention, c'est agaçaaaant à la fin. » Sam pose alors une question cruciale (comme la croix de Jésus). Ettore se frotte le menton et plie les yeux, histoire de ressembler à un génie en pleine réflexion. C'est sûr qu'il faudra un peu plus que deux pécno pour alimenter un club de combat illégal. « T'sais quoi ? J'vais en parler à la boxe. Je sui sûr que certains voudront v'nir avec nous. Jordan, par exemple » dit l'Italien en récupérant la vodka, dont il descend deux longues gorgées. « Ça fait du bien par où ça passe ! » s'exclame-t-il en s'essuyant la bouche avec la manche de sa veste. « J'ai envie une pizza » dit-il alors, aussi sérieux qu'une croquemitaine au cimetière. « Mais j'en ai pas dans mon frigo » ajoute-t-il en se prenant la tête entre les mains, se fustigeant de n'avoir rien à becter dans un tel moment d'intense réflexion.

« Oh je sais ! On imprime des affiches et on dit que c'est une partie de bridge le samedi soir et on distribue les flyers après la messe. Tu penses que ça peut marcher, pour recruter du monde ? » lance-t-il alors, un sourire de quatre kilomètres autour de la tête, persuadé d'avoir trouvé LA bonne idée.  

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